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Ancien préfet du collège Saint Paul devenu agent de renseignement, il se retrouve cité dans le dossier de l’assassinat de l’ancien président, Laurent Désiré Kabila en 2001. Condamné à perpétuité, il sera libéré en 2020, bénéficiant d’une grâce présidentielle. Congoleo.net vous présente le témoignage de Pascal Marhegane Bishanvu dans une interview exclusive.

Congoleo.net : comment un ancien préfet s’est-il retrouvé cité dans un dossier de l’assassinat d’un chef de l’Etat ?

Pascal Marhegane : C’est un peu bizarre beaucoup des gens se le demandent mais c’est simple à le comprendre. J’ai été préfet dans certaines écoles d’ici chez nous, spécialement au collège St Paul où j’ai fait plus de 10 ans, de 1985 à 1997.

Déjà j’étais préfet, chef de division et j’avais un salaire insignifiant. Mon salaire ne pouvait me procurer que 56 beignets, pourtant père de 8 enfants. J’avais des difficultés pour les repartager car les 56 beignets ne suffisaient pas. Les soigner, les scolariser. Et ce comme ça que je me disais qu’il fallait que les choses changent.

C-L : comment vous vous en êtes pris pour apporter ce changement ?

PM : Il est arrivé dans les années 1996 un mouvement de révolution, qu’il fallait qu’on change des choses car c’est vrai on en avait déjà marre. Je vous dis sincèrement je n’aime pas des choses qui ne vont pas.

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La joie de la mère en revoyant son fils libre

J’ai adhéré à ce mouvement, nous sommes allés dans une formation des cadres politico-militaires et delà on m’a recruté dans le service de sécurité. J’ai fait quelques temps comme REDOCA (Directeur provincial adjoint de l’ANR) ici au Sud-Kivu, dans la ville de Bukavu. Après on nous a amené dans la ville de Kinshasa à l’académie des renseignements où nous avons fait un cycle. Nous sommes devenus de gradué en renseignement. Et nous avons été engagé dans le service de l’ANR (Agence nationale de renseignement).

L’histoire reste l’histoire, compliquée comme elle est toujours. On a commencé à pourchasser certaine catégorie des personnes et particulièrement des agents de sécurité. Et malheureusement ont nous a impliqué dans une histoire qu’on ne connaissait même pas.

Nous avons d’abord échappé bel à des arrestations, des disparitions non justifiées. Nous nous sommes retrouvés à Brazzaville en exil à partir de novembre 2000. Mais curieusement 3 mois après vers le 16 janvier, nous avons appris qu’on avait assassiné le chef de l’Etat à Kinshasa. A la personne de Mzee Laurent désiré Kabila, qui était notre chef, notre mentor. Celui avec qui nous avons fait la révolution.

On ne savait rien de tout ça mais le 28 janvier de cette même année, nous avons été arrêtés par des services de sécurité de Brazzaville soit disant qu’ils faisaient une enquête sur un groupe d’étranger logé dans une maison. Nous étions logés là par le HCR. Ils nous avaient gardé alors dans leur service, en interrogatoire.

C-L : De Brazzaville, comment vous vous êtes retrouvé à Kinshasa ?

PM : Le 21 avril, il semblerait qu’un Bernard Kolela, ancien premier ministre de Brazzaville qui était en exil quelque part en Afrique est revenu pour traverser et rentrer chez-lui pour participer à une conférence inclusive organisée au Congo Brazzaville. Il était très aimé par le peuple brazzavillois.

Arrivé à Kinshasa, il a atterri à Njili et il voulait traverser nuitamment à Brazzaville. Nous avons appris que le président de Congo Brazzaville a demandé au président de la RDC de l’aider à chasser ce type. Le président du Congo, Joseph Kabila, va lui demander de lui remettre aussi les personnes de la présidence qu’il détenait.

Ainsi on nous a extradé nuitamment ici à Kinshasa et arrivé à Kinshasa, on a manqué quoi nous accuser. Mais ils se sont dit, mettez-les dans le dossier de l’assassinat de Mzee Kabila. Et c’est comme ça que nous nous sommes retrouvés dans ce dossier tout en l’ignorant totalement.

C-L : Et il y a eu le procès ?

PM : Deux ans après on nous a jugé. Comme  ils  n’avaient rien trouvé contre nous, ils ont pu juger quand même nous condamner, selon eux, pour raison d’Etat. C’est ainsi que nous avons été condamné à perpétuité. Voilà brièvement comment je me suis retrouvé de préfet en prisonnier dans un dossier lourd de l’assassinat de Mzee Laurent Désiré Kabila.

C-L : Vous avez ensuite passé 20 ans en prison et avoir été récemment libéré. Comment cela est-il arrivé ?

Nous sommes restés en prison condamné à perpétuité, c’est-à-dire à vie. Il y avait ceux qui étaient condamnés à deux ans, trois ans, 5 ans, 10 ans jusqu’à 20 ans. Eux avaient déjà purgé leur peine et sont sortis.

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Pascal Marhegane accompagné de son épouse dans une messe d’action de grâce

Nous restions maintenant dans deux catégories des prisonniers. Les condamnés à mort et les condamnés à perpétuité. Mais il est arrivé le changement de régime au Congo par des élections. Joseph Kabila a cédé la place à Félix Tshisekedi. Et parmi les dossiers qui étaient très délicats et très poursuivis par toute la communauté mondiale, le nôtre. Parce que tout le monde savait que c’était des innocents qui ont été condamnés pour un procès unique.

Le chef de l’Etat actuel était convaincu qu’il n’y avait pas des raisons  de garder des innocents en prison. C’est comme ça qu’il a signé une grâce présidentielle le 30 décembre 2020. Alors le 8 janvier nous en avons été bénéficiaires et on nous a libéré de cette prison.

Mais il y a deux autres épisodes qui semblent aussi importantes à relever. Tout en étant en prison, nous avons dû poursuivre la RDC à l’Union africaine, à la cour africaine des droits de l’homme et nous avons gagné. Et nous avons prouvé que nous étions totalement innocents.

La cour avait donné l’ordre à notre République des nous indemniser. Mais comme celui qui nous maintenait en prison était celui qui dirigeait le pays, il avait fait fi de ce jugement de la cour africaine.

En 2005 nous avons été bénéficiaires d’une amnistie pour fait de guerre, infraction politique et d’opinion. Et nous étions bel et bien concernés. Mais l’homme qui dirigeait le pays ne nous a pas fait bénéficier de cela.

Voilà comment le concours de toutes ces mesures surtout la grâce présidentielle, de Félix Tshisekedi, ont conduit à notre libération.

Une belle occasion pour nous d’exprimer notre sentiment de gratitude envers le chef de l’Etat.

Nous sommes vraiment reconnaissants à son égard. Reconnaissants, puisque nous estimons qu’il a corrigé une monstruosité de la justice. Comment comprendre que tout un régime ait gardé ses compatriotes en prison pendant 20 ans avec un procès unique. Les uns y ont meme perdu leur vie.

Nous disons sincèrement merci à notre président et nous espérons qu’avec cet esprit d’ouverture et d’amour du prochain qu’il a manifesté envers nous ses compatriotes, il peut faire quelque chose pour le relèvement de ce pays.

Marcel Asifiwe K. et Thomas Uzima

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